
Bernard est un Allemand d'origine roumaine, portrait craché de Johnny Knoxville, leader des Jackass. Grand, cheveux et yeux noirs, petite attitude désinvolte. Entre deux verres de whisky, il me balance: «Sais pas pour toi, mais moi, on m'avait raconté plein de trucs sur le Transsibérien. De quoi faire peur: vols, agressions, viols, batailles...»
Même son de cloche de mon côté, je dois avouer.
Le lendemain, en ouvrant mon livre, je tombe sur le passage d'un texte traitant des Samoyèdes, un peuple autochtone du Nord de la Sibérie qui vit toujours de chasse et de pêche. Une petite perle qui date du 14ième siècle – hymne à la peur de l'étranger – qui m'a fait sourire et m'a rappelé la discussion de la vieille avec Bernard.
Comme quoi plus ça change, plus c'est pareil :
«Au bord de la mer vivent les hommes samoyèdes (…). Ils mangent viande de renne et chair de poisson. Et ils se mangent aussi entre eux. Et lorsque surviennent des hôtes, ils sacrifient des enfants et les leur donnent à manger. Et lorsqu'un hôte meurt, ils le mangent au lieu de l'enterrer (…).
«(…) Dans cette contrée il est d'autres Samoyèdes. Pendant l'été ils vivent un mois dans l'eau de la mer. Et il est dans ce pays des hommes velus des pieds jusqu'au nombril... Il est d'autres Samoyèdes qui meurent lorsque vient l'hiver. Et qui revivent au retour du soleil. D'autres Samoyèdes ont des moeurs humaines mais la bouche entre les épaules, les yeux sur la poitrine.
«Ils mangent des têtes de rennes crues. Au-delà du grand fleuve Obi il est des Samoyèdes qui marchent sous la terre en s'éclairant jour et nuit avec du feu. Et lorsqu'ils sortent sur le lac, la lumière y est prodigieuse...»
Par Ulysse Bergeron